Hommage aux ePatients et aux Docteurs 2.0 #doctors20
"Les ePatients et les Docteurs 2.0 sont les piliers de l'e-santé. C'est à partir de leurs initiatives que tout devrait se construire. Ce n'est pas le cas. Changeons cet 'hélas' en 'allons-y'. Voilà pourquoi j'ai rédigé ce texte pour le Livre Blanc du Catel." (DS) Article écrit et originalement publié pour le livre Blanc du Catel que vous retrouverez ici. Avec nos remerciements. Livre Blanc
Pourquoi insister sur ce caractère indispensable des ePatients et des Docteurs 2.0 ?
Mes activités dans le domaine de l’e-santé, et notamment dans l’organisation de congrès internationaux comme Doctors 2.0 & You, m’amènent à collaborer avec de nombreux concepteurs d’outils numériques réussis. Les plus appréciés ont été conçus par des personnes qui cherchaient réponse à un problème vécu personnellement, en tant que patient ou en tant que soignant. Ces patients et ces professionnels ont une vision juste des attentes de leurs pairs respectifs. Or trop de ces idées se perdent, faute de canal pour les diffuser.
D’autre part, bon nombre de patients et soignants, sans aller jusqu’à être concepteurs d’outils informatiques, seraient disposés à aller plus loin dans leur usage des nouvelles technologies. Sans être créateurs, ils pourraient être utilisateurs d’outils que trop souvent ils ignorent. Ils pourraient aussi être testeurs de ces outils avant leur diffusion. Ils pourraient être sources de recommandation autour d’eux. Ils pourraient être conseils auprès des concepteurs. Il y a besoin de tous ces apports.
L’objet de cet article est d’illustrer à l’aide d’exemples l’importance de ces deux catégories d’acteurs, et de faire des propositions pour renforcer leur rôle.
D’abord deux définitions rapides :
Les ePatients sont des patients qui utilisent les nouvelles technologies dans le cadre de leur santé et se sentent responsabilisés (empowered). De même, les Docteurs 2.0 sont des médecins qui utilisent à titre professionnel les nouvelles technologies et considèrent leur patient comme un partenaire. Nous approfondirons ces points.
Rappelons d’abord que, lorsque en 1994 l’arrivée du premier navigateur a rendu le Web accessible, cela voulait dire que l’information qui s’y trouvait était à la portée de tous. Or l’accès par le patient à « toute l’information » ne coulait pas de source. Le cliché de la patiente qui arrive en consultation avec ses centaines de feuilles imprimées a été largement répandu, et perdure. De même, les professionnels, peu informatisés à l’époque, voyaient (et voient encore pour certains) d’un mauvais œil l’accès au Web pour tous. Plus qu’une évolution vers un métier plus intéressant, ils ressentaient une perte de pouvoir.
La deuxième génération du Web, ou Web 2.0, est apparue en 2004. Elle s’est caractérisée par la multiplication d’outils favorisant la communication entre les individus. Nous pouvons aussi parler de réseaux ou médias sociaux. Aux blogs, forums et communautés en ligne se sont ajoutés de nouveaux services : le dossier santé en ligne permettant à un patient d’archiver ses propres données, la possibilité de poser des questions à un médecin à distance. L’eLearning s’est transformé en « Serious Game » plus ludique, et en exercices de simulation, disponibles en ligne et sur mobile. Les applications mobiles dédiées aux patients ou professionnels arrivent par milliers pour améliorer la qualité des soins proposés par le professionnel et le suivi par le patient. Les derniers venus, les objets connectés et « wearables », apportent une quantification de plus en plus sophistiquée de nos activités et de nos données biologiques. Le « Quantified Self », ou mesure de ses propres données, intéresse une population en parfaite santé, cherchant à optimiser son capital santé. Et toutes ces innovations cohabitent dans l’univers de l’e-santé.
Quel est l’apport des ePatients et des Docteurs 2.0 ? Quelques exemples extraits de notre expérience à Doctors 2.0 & You s’imposent.
De nombreux ePatients, en s’exprimant d’abord seuls sur le Web, se sont trouvés à la tête de communautés qui intéressent de nombreux patients concernés par leur maladie. Tous ces créateurs décrivent le bénéfice que seul un patient ou un proche peut apporter à un autre patient : le partage d’expériences similaires, l’encouragement, des réponses pratiques… Pour cela, ces ePatients « créateurs » utilisent au départ, des moyens gratuits, comme les forums, les blogs, les réseaux sociaux (Facebook, Twitter).
Parmi les plus anciens ePatients, nous pouvons citer Yvanie Caillé, Béate Bartes et Fred Paliwoda (ci-dessous de gauche à droite). Yvanie, Béate, et Fred avaient tous constaté en France un manque d’outils Web susceptibles de répondre aux attentes des patients dans leur domaine. Tout en poursuivant leur métier, ils s’y sont lancés bénévolement.
- Yvanie Caillé est fondatrice de Renaloo, une communauté pour les patients atteints de maladies rénales, communauté qui l’occupe à plein temps depuis bientôt trois ans. Yvanie a commencé par un blog. En suite, elle a créé un site avec ses forums et, en parallèle, a entamé une présence sur YouTube, Facebook, Twitter. Devenue association, Renaloo a conduit en 2012 et 2013, « Les États Généraux du Rein » afin de générer des propositions d’actions à l’échelle nationale, dans le domaine de la greffe et de la dialyse.
- Béate Bartes est fondatrice de Vivre Sans Thyroïde, un forum pour personnes concernées par les maladies thyroïdiennes, qui est également devenu une association 1901. Vivre Sans Thyroïde est présent sur les réseaux sociaux et ses représentants sont de plus en plus présents dans les congrès médicaux et les formations médicales.
- Fred Paliwoda a créé le site VivreAvecUnDiabete.com alors qu’il n’avait pas 20 ans, parce qu’il avait besoin de réaliser une activité de partage autour de sa maladie, afin de supporter les contraintes du traitement. Son site a vu rapidement s’ajouter des podcasts audio et vidéo. Fred effectue des comparatifs de dispositifs et d’applications mobiles, et réalise des vidéos d’explication.
Catherine Cerisey (ci-dessous), ayant survécu à un cancer du sein, propose un blog éponyme sous-titré « après mon cancer du sein ». « E-patiente convaincue de l’intérêt d’engager la discussion entre professionnels de santé, institutions, maladies et citoyens afin d’améliorer la prise en charge… », son blog la met au contact de milliers de patientes et la conduit à intervenir dans de nombreuses instances où s’élabore la politique de santé publique sur le cancer.
Des patients ont également créé des applications mobiles. C’est le cas de Frederik De Bong (ci-dessus) en Autriche, qui a créé MySugr, disponible en français, une application qui a obtenu le marquage CE et l’autorisation de la FDA. MySugr vise à améliorer la gestion de sa maladie par le patient diabétique en introduisant les principes de la « Gamification ». L’application, plus ludique, vise à favoriser la persévérance.
Quant aux Docteurs 2.0, ils ont créé des outils dans toutes les catégories des nouvelles technologies : sites de spécialité pour professionnels et grand public, blogs, applications mobiles, Serious Games, groupes Facebook, et maintenant dans le domaine des « Wearables », ils explorent l’apport de Google Glass et d’autres instruments de ce type. En France, il existe depuis quinze ans une association de médecins qui gèrent leur propre site Web professionnel, les Médecins Maitre Toiles (MMT), présidée actuellement par Marie-Thérèse Giorgio, créatrice d’Atousanté dans le domaine de la médecine du travail. Un des MMT, Didier Mennecier, hépatologue, a créé l’application mobile HépatoWeb qui permet aux patients de voir des vidéos et des explications des examens cliniques de sa spécialité. Erich Taubert, urologue néerlandais, a mis au point une application mobile qui simplifie la surveillance des fluides par le patient. Un chirurgien, Marlies Schijven, a mis au point une application mobile qui favorise une meilleure prise en charge de personnes âgées par les jeunes praticiens. Aurore Guillaume, endocrinologue, crée des Serious Games, comme par exemple, Gluciweb.
Pour revenir à l’ePatient et au Docteur 2.0, en tant que simples utilisateurs, rappelons l’intérêt respectif des outils numériques pour patients et médecins.
L’ePatient
- Pourra mieux suivre son traitement et ses préconisations ;
- Aura une meilleure forme psychologique ;
- Pourra aider ses pairs ;
- Pourrait transmettre ses propres données au médecin.
Le Docteur 2.0 aura la satisfaction de pouvoir utiliser et ou recommander des outils qui :
- permettent de faire le lien avec le patient entre les consultations ;
- favorisent de meilleurs résultats ;
- favorisent un esprit de partenariat.
Que faut-il faire pour encourager plus de collaborations entre médecins et patients ? Voici quelques idées pour commencer…
- Encourager la diffusion de l’information à propos des outils collaboratifs auprès de tous les Acteurs de santé.
- Donner une plus large place à la communication médecin-patient dans les formations initiales et continues, dans les réunions et Congrès
- Introduire à l’intention des patients un questionnaire sur leurs attentes en matière de moyens de collaboration avec leur médecin.
Les commentaires récents