Les Américains ne cessent de "twitterer" autour d'Atul Gawande, autre quadra, fils d'immigrés indiens, et professeur de santé publique à Harvard. Atul, qui manie scalpel et stylo, a publié un article dans le New Yorker, début juin, qui continue de faire parler de lui. Poussant son analyse des résultats du Darmouth Atlas (annuaire des dépenses de santé, par région, à l'origine de notre compréhension des inégalités d'accès aux soins ainsi que de la variation des pratiques ), Atul est allé à la frontière mexicaine et tenté de comprendre pourquoi McAllen, Texas, génère les dépenses médicales les plus élevées des Etats-Unis, deux fois plus que celles d'El Paso, Texas, dont le profil sanitaire et le coût de la vie sont équivalents à ceux de McAllen, tous deux étant des villes frontalières à forte population immigrée méxicaine.
Pour comprendre, il faut savoir que la Mayo Clinic
est située à Rochester, Minnesota, et fait bénéficier la région d'un niveau de technologie élevé alors que
les
dépenses sont parmi les plus faibles des Etats-Unis. Et que le même phénomène existe dans d'autres régions où l'on trouve un établissement fort. Oui, chers
lecteurs, on peut démontrer que la qualité coûte moins cher.
On peut également démontrer qu'il existe des établissements forts qui génèrent des interventions inutiles. Dans les deux cas, c'est le principe de l'établissement ancre. Ce principe se rapproche de celui élaboré dans le livre "the tipping point" (point de bascule) où l'auteur, Malcolm Gladwell identifie toutes les situations où l'on peut créer une masse critique qui affecte le comportement de l'ensemble, en commençant par des petites actions individuelles... comme par exemple l'effacement du grafiti qui finit par réduire le taux de criminalité globale du quartier.
Comment est-ce possible ?
Atul Gawande nous explique que la médecine moderne n'est pas sans risques. Les
séjours à l'hôpital, le médicament, les interventions qui ont une
valeur marginale génereront plus de mal que de bien, à un niveau macro. En 2006, il y a eu 60 millions d'interventions (1 Américain sur 5) aux Etats-Unis, c'est beaucoup trop.
Quand
est-ce que les médecins "sur-prescrivent" des interventions, tests ? A)
Lorsque "la science" est incertaine. Et B) lorsque le système encourage
le médecin économiquement à le faire.
La Mayo Clinique il y a quelques années a décidé de salarier les médecins et de les faire collaborer. Sont promus dans l'hiérarchie Mayo, les médecins qui se concentrent sur la qualité des soins. "Lorsque les médecins réfléchissent ensemble, automatiquement ils pensent plus et font moins d'examens."
D'autre part, Rochester n'est pas une exception. On peut citer une douzaine d'établissements à but non lucratif qui ont eu le même impact sur la région dans lequel ils se situent aux Etats-Unis... des établissements ancre...
Malheureusement, Dr Gawande termine son article en soulignant le fait que la crise aux Etats-Unis risque de générer de nouveaux McAllen où les professionnels de santé cherchent à améliorer leurs revenus...sauf si des mesures sont prises pour favoriser les Rochester...d'où le discours d'Obama à l'AMA. Et la boucle est bouclée.
Certes le texte ci-dessus concerne les Etats-Unis. Mais il faut reconnaître que des enseignements on peut en tirer ! Concernant la relation entre "coût" et "qualité", il est légitime de penser que l'intelligence collective permet de réduire les interventions et traitements marginalement utiles et porteurs de risques..Cette intelligence permet probablement aussi de moins oublier les gestes efficaces dont l'absence va léser le patient par la suite...D'où l'idée que meilleure qualité et moindre coût peuvent s'associer tout naturellement.
Article : Cost Conundrum
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