L'actualité de la certification des sites santé en France est relancée par l'ami Dominique Dupagne. Que vous dire précisément concernant le HONCode ?
Il se trouve que j'avais publié le texte ci-dessous, Sites Santé : Label de Qualité, Qualité des Labels - Réflexions d’une activiste (en 2002)
composé de 8 réflexions, en 2002*, sur le site de l'association fort sympathique des Médecins Maitres Toile Francophones, c'est à dire bien avant la parution de la loi de 2004 relative à l'Assurance maladie. J'ai redécouvert mon article grâce à un lien de Dominique ;-) et vous le propose de novo car les thèmes de fond persistent, (j'ai simplement supprimé les liens à diverses organisations de certification qui n'existent plus-hmmm).
Ce billet sera suivi d'un deuxième texte, cette fois-ci de Juin 2010.
Sites Santé : Label de Qualité, Qualité des Labels - Réflexions d’une activiste (en 2002)
Qui doit aider le patient à sélectionner les sites web qu’il consulte ? Le médecin de famille ? Le spécialiste ? Le Ministère de Santé ? Le CFES (devenu l'INPES ;-) ? Une Association de Patients ? Une Société savante ? L’OMS (après tout, le Net est mondial) ? Lui-même ? ... cliquer pour en savoir plus
Les spécialistes de l’Internet Médical savent, grâce à la transparence du Net, que le nombre d’initiatives visant à contrôler ou favoriser la qualité du Net médical grandit chaque année, si ce n’est chaque trimestre.
Les approches
proposées sont variées : simple publication d’une charte d’éthique,
déclaration d’engagement envers cette charte, proposition de sites pré-évalués
mise en oeuvre de contrôles légers, de contrôles stricts, ou bien l’idée qu’il
faut se borner à éduquer les internautes - le caveat emptor du 21ème siècle.
Comment se déterminer ? Voici quelques
éléments de réflexion.
1. Apprécier un site médical, c’est plus de travail
que vous ne pensez
A quoi
l’expression " Qualité du Net Médical " vous fait-elle penser ?
Aux critères qui s’appliquent à la presse médicale ? Qui a écrit
l’information ? Est-il qualifié ? Y a t-il un conflit d’intérêt ?
C’est vrai,
mais limitatif. La Qualité doit comprendre la satisfaction des attentes des
utilisateurs
Prenons le
simple critère de design et navigation du site : plus de 50% des
entreprises créent des sites en dessous du minimum requis, garantissant ainsi
le non retour de l’Internaute.
Rajoutons le
besoin de sécuriser l’information personnelle.
Rappelons la
relativité de la vérité médicale et signalons au passage la redondance de
l’information médicale. Quelle note pour un site qui propose la nième présentation
d’une pathologie voire de toutes les pathologies et qui ne sera probablement
jamais repéré ?
2. On ne fait pas le bonheur des autres
Quel journal
santé grand public n’a pas déclaré que l’on peut mincir en se régalant, vivre
jusqu à 120 ans, ... ? Un patient cardiaque, obèse trouvera un cardiologue
qui le laisse ne suivre aucun régime. Un Internaute trouvera une page web qui
soutient son point de vue. L’évolution de la médecine occidentale qui tend vers
une acceptation plus importante des approches de la médecine alternative nous
démontre la relativité des "faits scientifiques". Alors pourquoi
pré-sélectionner la lecture des Internautes ?
2B Corollaire : Le patient sérieux devient expert
de son sujet
Tous les grands
instituts d’étude du comportement de l’internaute médical confirment le fait
que l’internaute sérieux crée ses propres bancs d’essai, en comparant les
données de différents sites spécialisés, avant de prendre une décision. Les
sites portail ne sont que d’éventuels points de départ, comme leur nom
l’indique d’ailleurs ; Et ce comportement virtuel n’est qu’un miroir de
celui de la vie physique. Avant de décider de quelque chose d’important, le
patient prendra plus d’un avis, soit d’un professionnel soit de son entourage.
Nous savons que les internautes européens non-anglophones feront, ou feront
faire, des recherches sur des sites en anglais, si le sujet le mérite à leurs
yeux. Donc, il n’y a pas à craindre que l’internaute se précipite sur une
chirurgie élective, pas plus qu’il ne l’aurait fait suite à une conversation
avec son arrière grand’mère.
3. Nous ne savons pas encore fabriquer des logos
efficaces
Une étude
publiée au congrès de l’AMIA (American Medical Informatics Association) 2000
démontra que la présence d’un logo n’a pas suscité au sein d’un groupe
randomisé un plus grand degré de rétention de l’information que dans le groupe
ayant lu une page sans logo. A l’inverse, le Département de Commerce américain
a rapporté que des logos frauduleux arrivent à créer un degré de confiance très
important . Quelle est l’expérience du plus ancien des logos de qualité du Net
Médical, le HonCode qui existe depuis 1996. Son équipe fait un travail
remarquable, mais avec des moyens limités. Le trafic sur le site n’est pas
proportionnel à la croissance de la population des Internautes médicaux.
D’autre part, les sites adhérents n’ont pas mené d’études de l’impact du logo
Hon sur leurs sites. Avant de se lancer dans la mise en place d’un label, nous
devons en savoir plus concernant la perception des logos de qualité sur le Net,
où foisonnent des symboles logotypiques. (illustration)
4. Les évaluations ne sont pas nécessairement
reproductibles
La sélection
des gagnants des Prix Nobel est effectuée parmi une collection de candidats
remarquables. Mais, le processus de sélection finale n’est pas reproductible.
Les "peer reviewers" de la presse médicale n’ont pas d’avis
identiques. Les médecins ne procèdent pas de la même manière face à des cas
complexes. Alors pourquoi penser que des évaluations subtiles de sites web
médicaux produiront les mêmes résultats ? Comment donc démontrer leur
validité ?
5. Donnons leur une canne à pêche
Faciliter l’existence d’un Internet vigoureux, innovant et auto-régulé ; favoriser l’existence de consommateurs, journalistes, professionnels bien formés. Sur le Net tous sont récepteurs et émetteurs. L'Internet Healthcare Coalition proposait des astuces pour l’Internaute médical et les communiquait aux journalistes qui les demandaient. L’Association organisait des Ateliers consacrés à la réflexion sur l’Ethique spécifique du Net médical. (Elle n'existe plus, mais ses trucs et astuces ont formé la base des recommandations de la HAS envers les médecins)
6. Les sites évalués représentent une part de plus en
plus faible de l’offre sur le Net
Le nombre
d’évaluateurs de site augmente, mais le nombre de pages évaluées est une
fraction décroissante de l’ensemble. Discern et Omni (UK), HON (CH), URAC (US),
NetScoring (F), évaluent la qualité de sites médicaux. D’autres organisations
le font aussi : éditeurs de presse, bibliothèques médicales, facultés,
sociétés savantes, établissements de soins, assureurs, associations, ministères
et j’en oublie sûrement. Si tous les évaluateurs travaillaient ensemble, et se
servaient d’un outil commun d’évaluation, ils seraient toujours trop peu
nombreux pour faire face au nombre de pages et sites nouveaux. Paradoxalement,
ils vont souvent ré-évaluer des sites de grande qualité, déjà examinés, afin de
compléter leurs listes.
Un des objectifs
de MedCertain (D) est de créér une base de données communes pour toutes ces
évaluations. HON poursuit des travaux sur l’automatisation de la recherche de
pages de qualité. L’OMS réfléchit à la mise en place d’un système d’adresse
" dot-health ". La Communauté européenne dévéloppe son programme
" e-health Europe 2002 " qui comprend non seulement la proposition de
critères de qualité mais aussi la promulgation de bonnes pratiques de la
e-sante. Ceci permettra d’inscrire les critères dans un ensemble de qualité.
7. S’intéresser au retour sur investissement ?
Si
l’organisation qui produit le site n’en tire aucun bénéfice, il n’y a pas d’avenir pour cette offre -- d'où l'idée que quelque part le conflit d'intérêt est quasiment universel puisqu'éditeur et internaute ne sont pas identiques. Du bon sens, mais
oublié notamment jusqu'à la montée de la bulle Internet.
Et pourtant, il
y a d’énormes besoins inassouvis. L’amélioration potentielle, moyennant les
Nouvelles Technologies, de la prévention, de la pratique, et de l’observance
est bien plus importante que l’usage que nous faisons du Net à ce jour.
Donc, la Qualité
doit comprendre la Stratégie du Producteur, les besoins de l’Utilisateur. Et
pourtant, aucun code jusqu’ici ne se préoccupe du retour sur investissement du
producteur....
8. Que penser de tout ceci ?
L’Internet
déteste les hiérarchies. L’Internet favorise la diversité. Diversité et unicité
sont le secret de notre ADN, pour paraphraser le Professeur Jacob. J’ai
commencé ma carrière du Net comme supporter farouche de la voie de l’éducation
de l’Internaute, à l’exclusion d’autres voies. Maintenant, j’ai bien intégré
que sur le Net, comme sur la planète qui l’a conçu, toute idée doit pouvoir
co-exister. Il y aura un jour sûrement un label de qualité mondial.
Résoudra-t-il tous les problèmes ? Sera-t-il connu de tous les
internautes ? Evitera-t-il les contrefaçons ? Les nations vont-elles
subordonner leur réglementation à ce label ? On verra. Mais, entretemps,
le Net aura été la technologie facilitatrice de progrès considérable en matière
de prévention, d’observance, et de diminution de l’erreur de prescription...
Vaste sujet pour les lecteurs.
Discern : www.discern.org.uk
NetScoring : www.netscoring.com
WHO "dot-health" initiative : www.connected.org/is/dot-health.html
Auteur :
Denise Silber
* Mes premiers travaux sur ce thème date de 1996-97.
Vaste sujet en effet, o combien passionnant et qui dépasse le cadre de l'information de santé sur le net.
La question de la qualité et de la neutralité de l'information est partout et se pose avec d'autant plus d'acuité que nous en sommes saturés de façon quasipermanente, tout en découvrant régulièrement à quel point cette information est manipulable et manipulée.
L'initiative du HON était louable et nécessaire et elle a eu le mérite de montrer l'exemple. C'était toujours "mieux que rien".
A vrai dire, la coexistence de sites "sérieux" certifiés et de sites "douteux" certifiés ne date pas d'hier.
Le pavé dans la mare de Dominique Dupagne justifie-t-il de rejeter en bloc ce référentiel ? Sans doute pas. Il nous rappelle que le web est un medium en constante évolution et que les outils d'évaluation doivent évoluer avec lui.
De quelle manière ?
L'autorégulation serait certainement idéale mais elle repose sur des principes de responsabilisation et d'éducation du patient-consommateur qui prennent du temps. Et tout le monde n'est pas "équipé" de la même capacité de discernement (il suffit de consulter les forums de Doctissimo pour s'en convaincre).
Les patients atteints de pathologies chroniques sont naturellement demandeurs d'une information vérifiée, actualisée, non porteuse de fausse promesse.
Mais d'autres, comme il est souligné dans l'article, ne vont sur le net que pour trouver confirmation de leurs convictions irrationnelles.
Combien de temps avant que les internautes (patients, consommateurs ou simple "passants") atteignent l'âge de raison ? Et dans l'intervalle, que pouvons-nous faire pour garantir une information la plus exacte et la plus impartiale possible ?
Le débat est (ré)ouvert...
En tout cas, il est fascinant de constater qu'en 8 ans, ces réflexions n'ont pratiquement pas pris une ride ;-)
Rédigé par : ValerieRAVERY | 08/06/2010 à 23:59