Pendant longtemps des professionnels de santé français ont pensé que créer un site grand public leur était plus ou moins interdit, car considéré comme une forme de publicité par leur Ordre (selon Wikipedia, un ordre est un groupement chargé de protéger l'éthique et la déontologie d'une profession). A ma connaissance, cela n'a jamais été le cas, puisque des sites web ont été réalisés par des professionnels de santé français depuis les premiers jours du Web. Nous pouvons d'ailleurs féliciter globalement les Ordres qui encouragent la participation des professionnels et qui traitent ces sujets avec beaucoup d'aisance.
Ce billet porte sur une conséquence certainement involontaire de cet intérêt : la co-existence de 4 chartes Internet, en plus de la législation française concernant internet et la certification HON.
Vous pourrez consulter ici les chartes :
Charte des dentistes,
Charte des médecins,
Charte des pédicures-podologues,
Charte des pharmaciens
Elles constituent plus de 40 pages de lecture. Ces chartes comportent à peu près les mêmes considérations, mais les règles varient... Est-ce grave Docteur ? ;-) Cliquez pour en savoir plus.
Pourquoi s'intéresser à la comparaison des quatre chartes ?
L'une des voies permettant d'améliorer la qualité des soins réside dans les domaines connexes de l'information, de la communication et du relationnel, car les imperfections dans le flux d'information aboutissent à des prises de décision en l'absence d'une information nécessaire, à la duplication inutile d'examens, et surtout à des incompréhensions entre patient et professionnels ou entre professionnels.
Le patient désire développer le dialogue avec son médecin, son pharmacien, son professionnel de santé. Et l'on sait que l'une des composantes de cet échange est aujourd'hui la voie numérique. Les patients internautes ont, par exemple, envie d'être informés de l'existence du site web de leur professionnel de santé et de pouvoir le consulter.
Qu'ont fait les professionnels de santé individuellement jusqu'ici en matière de site web? La majorité : rien et c'est normal. S'occuper d'un site est une activité en soi. Mais, ils ne sont pas totalement absents du web puisque leur adresse est présente de façon automatique dans de très nombreux sites-annuaires. Quelques centaines ont créé des pages persos et blogs pour parler de leur activité au quotidien, pour s'exprimer en général -- médecins, infirmiers, kinés... Une liste non exhaustive est régulièrement enrichie ici: http://medecine.2.0.free.fr/doku.php/blogs_medicaux . Parmi les plus anciens sites d'information médicale, on trouvera ceux des Médecins-Maitres-Toile francophones, qui ont voulu très tôt mettre des informations à disposition des francophones, qu'il s'agisse de forums généraux ou des sites consacrés à une ou des maladies spécifiques.
Encore d'autres (quelques miliers) professionnels, ces dernières années depuis que l'usage de l'Internet s'est généralisé en France, ont réalisé que cela pouvait être utile pour eux de créer "le site de leur cabinet" à l'intention de leurs patients. Leurs sites comportent des informations à la fois concernant leur consultation mais aussi parfois concernant les pratiques médicales. Ces sites sont souvent réalisés grâce à un modèle fourni par un éditeur dédié, ce qui simplifie la tâche considérablement pour le professionnel.
La question est de savoir lorsqu'un professionnel de santé en France créé aujourd'hui son site, quelles contraintes doit-il respecter ? Et surtout, quel est le résultat pour le patient ?
La législation française régule l'Internet : avec la Cnil, la Loi de la confiance dans l'économie numérique, et une certaine jurisprudence commence à naître. D'autre part, dans la Santé, la HAS a accrédité la Fondation HON fin 2007. Et par ailleurs, les professionnels doivent également respecter les règles établis par leur Ordre.
Comment comparer les chartes des Ordres ?
L'examen des chartes des Ordres a permis de réperer les sujets récurrents d'une charte à l'autre, et d'en extraire les passages pertinents des 4 chartes, tout en conservant dans la mesure du possible la formulation originale. Les tableaux qui suivent contiennent ces extraits.
Voici les thèmes récurrents :
- Respect de la législation : toutes les chartes demandent aux professionnels de respecter la législation française, mais en s'exprimant de façon variée, comme le tableau ci-dessous permet de constater.
- Engagement vis-à-vis de l'Ordre : tous les Ordres demandent au professionnel une forme d'engagement, mais cet engagement varie. Le plus restrictif semble être dans la charte pharmaciens, où le pharmacien ne peut avoir un site web dédié à une pharmacie que s'il gère une pharmacie réelle.
- Le respect de la charte HON est recommandé par trois des quatre chartes, c'est-à-dire par tous sauf les pharmaciens, qui ont rédigé leur document avant l'accréditation de HON par la HAS fin 2007.
- Nom du site
Selon qu'il est pédicure-podologue, dentiste ou médecin, le webmaster pourra nommer son site de diverses façons. Le nom du site fait l'objet de très longs passages dans trois des quatre chartes, aboutissant à des règles pas tout à fait identiques. Voici le cas de Jean Dupont :
- www.pedicure-podologue.dupont.fr
- www.dr-dupont-jean.chirurgiens-dentistes.fr,
- www.dupont-jean-cardiologue.medecin.fr
Comment reconnaître un nom authentique ? Difficile... sans en être expert.
- Les mêmes variations que pour les noms de site existent pour les adresses email.
- Contenus "obligatoires" : Les obligations sont essentiellement d'informations identitaires obligatoires pour le professionnel, et ce qui est requis est variable d'une charte à l'autre. .
- Les contenus interdits varient d'un Ordre à l'autre. Les dentistes et les pédicures-podologues ne peuvent promouvoir auprès des internautes l'abonnement à une newsletter ni faire part de leur CV. Les pharmaciens ne peuvent mentionner une activité autre que celles autorisées en officine. Les médecins ne peuvent citer aucune fonction élective quelle qu'elle soit.
- Vous l'aurez deviné : puisque tous les interdits varient selon les Ordres, les contenus autorisés varient aussi d'un Ordre à l'autre. Les pharmaciens ont une autorisation positive de publier une information éducative, scientifiquement validée. Les photos du cabinet sont nommément autorisées chez les pédicures-podologues et les dentistes. Le médecin peut afficher sa photo d'identité.
- Autres contraintes définies par l'Ordre. Quelques exemples : le respect de la Croix verte par les pharmaciens, le financement personnel et l'hébergement indépendant de son site pour le pédicure, la nature des liens sortants pour les sites des dentistes, le procédé de prise des rendez-vous et les références scientifiques sur des fiches d'actes techniques chez les médecins...
- Charte graphique : terminons sur des considérations de forme. Les dentistes et les pédicures ne peuvent bénéficier d'une charte graphique qualifiée de "publicitaire", ni d"un logo, ni de photo de mannequins. Les pharmaciens n'évoquent pas le graphisme, à l'exception de la croix verte. Les médecins doivent "observer la sobriété".
Au total, l'examen de cette dizaine de thèmes récurrents au sein des quatre chartes conduit aux questions suivantes.
- La co-existence de l'ensemble de ces règles obtient-t-elle des résultats supérieurs pour l'internaute patient que s'il y avait un cadre général identique pour tous, voire le simple tandem de la législation française et la charte HON ? Quel impact sur la Santé Publique.
- La co-existence de trois niveaux de requis, (ceux de la législation française, de HON et de l'Ordre) impacte-t-elle l'appétence du professionnel à créer son site ?
La question est posée. Ce billet est publié avec le soutien de l'AQIS
Une 5éme Charte Internet vient juste d'être validée.
Denise sera tout à fait enchantée de nous en faire part;-)
Rédigé par : Françoise Soros | 10/01/2011 à 21:47