Le site web néerlandais qui permet aux internautes de déposer un avis concernant les médicaments s'appelle http://www.mijnmedicijn.nl. Il est publié en Allemagne et en France sous les noms de Meamedika.de et Meamedica.fr. La société éditrice est l'oeuvre d'une pharmacienne néerlandaise Wendela Wessels.
Publieren France un nouveau site d'évaluation en santé n'est pas facile à réussir. Une entité privée peut le faire. Bien que ce soit licite, il n'y a pas, par exemple, de sites français qui comparent les professionnels de santé, comme sur Yelp et Google. Il y a des projets en version bêta mais aucun n'est visible. Les sites d'évaluation des établissements ne vont pas encore très loin dans ce qui peut être dit. Et aucune firme française n'est allée dans ce sens sur le médicament — d'où il résulte que la nouveauté arrive de l'étranger, en l'occurrence des Pays-Bas.
Lorsque le serveur a été provisoirement inaccessible, cela a créé un événement sur Twitter... certains prédisant la disparition pure et simple de Meamedica. Après toutes ces rumeurs, j'ai voulu interroger la fondatrice à propos, par exemple, de son investisseur "secret" et d'autres sujets.
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Silber's Blog 1. Vous avez dit qu'en tant que pharmacienne praticienne vous êtes frappée de ce que le vécu du patient n'est pas la même chose que ce que vous avez appris à la faculté ou que vous avez trouvé dans les fiches produit. Vous vouliez donner aux patients un espace pour exprimer leurs opinions. Pouvez-vous préciser?
Wessels. Nous savons tous que quand un patient consulte un médecin (et ensuite un pharmacien) il ne peut pas se souvenir de tout de qui a été dit. Le patient a plusieurs moyens d'information comme la notice et les instructions au patient. La notice pose au patient des problèmes de compréhension (ce qui, je crois, est de notoriété publique) parce qu'elle a aussi une finalité juridique. Y mettre tous les effets secondaires est indispensable mais troublant pour le patient. L'insuffisance hépatique provoquée par le paracétamol, par exemple, est rare mais doit être signalée. Pour beaucoup de patients, de tels effets secondaires sont inquiétants et vont l'empêcher de commencer son traitement ou de le poursuivre.
Sans compter qu'une majorité de patients vont aller sur l'Internet pour contrôler ce que le médecin a dit et en apprendre davantage. Sur l'Internet, il y a une quantité de sites utiles mais la façon de voir du patient n'est ni si évidente ni si bien organisée.
En demandant au patient ce qu'il éprouve, vous allez avoir une vue générale de ce à quoi il faut s'attendre en prenant ce genre de médicament (pour le paracétamol il n'y en aura qu'un seul sur un grand nombre qui va constater quelque chose comme l'insuffisance hépatique) et vous pouvez avoir un sentiment des risques et de leur fréquence.
Ce faisant, ce qui arrive quand on l'utilise dans de grandes populations va devenir clair, en dehors des paramètres contrôlés des études de phase IV.
Et bien sûr nous observons des tendances positives et négatives.
Silber 2. En quoi votre site diffère-t-il d'autres sites de notation des médicaments ?
Wessels. C'est simple : notre base est constituée de contenu généré par les utilisateurs. Pour informer le patient, les autres sites font usage de documents préexistants. Peut-être pourrait-on faire une comparaison avec un forum, qui est aussi généré par les utilisateurs, mais où il n'y a pas de possibilité d'analyse ultérieure des données. Chez nous, il y a des processus de contrôle de façon que le contenu soit aussi pur que possible (c'est-à-dire concerne l'expérience réelle des médicaments (et non des hyptohèses, etc., qui sont filtrées).
(NDLR : des sites américains comme PatientsLikeMe, Mediguard, iGuard, ont aussi du contenu généré par les utilisateurs.)
Silber 3. Meamedica a pour l'Europe une stratégie multi-pays. Quels sont vos projets ? Avez-vous étudié chaque pays avant le lancement ?
Wessels. Oui et non. Bien sûr, nous avons étudié les sites déjà disponibles dans les pays concernés. La stratégie multi-pays a été choisie car :
- tous les pays manquent dans une certaine mesure de la perspective du patient (notre site en Allemagne est des plus actif, dès maintenant) ;
- l'expérience des usagers du médicament est valable en général, pas seulement à titre de comparaison des effets entre pays, et non limitée par la langue. Le paracétamol est le paracétamol partout et il est intéressant de voir si les approches locales créent des différences dans l'expérience des patients.
Nos projets sont de continuer et de rendre Meamedika disponible en Espagne et en Italie.
Silber 4. Vous considérez qu'à partir de 50 opinions sur un médicament, le résultat est significatif. Qu'est-ce que cela veut dire ? Les gens ne lisent pas forcément la totalité des 50 opinions. Quels sens peut-on tirer de 50 opinions différentes ?
Wessels. Je pense que nous sommes d'accord sur le fait qu'une opinion unique n'a pas de valeur. Mais combien nous en faut-il pour être capables d'avoir de l'information sur les produits, c'est une autre question. Pour les médicaments d'usage courant (exemple : la simvastatine) on peut recueilir des tas d'opinions et c'est indispensable de le faire. Pour les médicaments anticancéreux ou d'autres maladies plus spécialisées, une opinion peut être lue avec une approche différente.
À côté des différences par médicament, il est bon de se demander qui lit les opinions : les patients ne cherchent pas plus de 100 opinions, peut-être pour avoir une impression générale mais non pas pour lire chaque opinion en particulier, et ils sont sans doute satisfaits avec 20 ou 30 opinions en tout.
Nous disons en général que notre but est 50 par médicament mais vous comprenez maintenant que cela varie, selon le but et selon les médicaments.
Silber 5. Meamedica a un pharmacien de chaque pays, qui revoit les commentaires avant leur mise en ligne. Comment contrôle-t-il l'authenticité d'un commentaire ?
Wessels. Cette partie est encore en construction car c'est d'abord le nombre des opinions qu'il faut développer. Les opinions sont vues par une équipe. Sa composition dépend de l'effectif des opinions par pays (et peut varier de temps en temps en fonction de lui) ; notre but est d'avoir un pharmacien par pays. Mais si on ne parle pas la langue, on ne peut évidemment pas faire cette révision.
Silber 6. Meamedica a un financeur non identifié. Ce qui a conduit à supposer qu'il s'agit d'une source de financement que vous seriez mal à l'aise de révéler, comme une société pharmaceutique. Quelle est votre réponse ?
Wessels. Ah, ah, ah, c'est incroyable comme cela peut préoccuper tout le monde. Non, il n'a certainement aucun rapport avec la pharmacie ou la médecine. C'est une famille aisée (un investisseur privé) voilà tout. Ils ne veulent pas avoir leur nom dans les journaux, comme on peut le penser. Du fait d'expériences personnelles, ils sont particulièrement attachés à l'amélioration des traitements médicaux.
Mais c'est bien que vous en parliez, car c'est un point qui revient sans arrêt. Je leur en parlerai et peut-être qu'ils changeront leur point de vue sur la façon de communiquer.
Silber 7. Dans votre business model, à ce que je comprends, vous vendez des widgets pour sites Internet. Est-ce votre seule source de revenus ?
Wessels. Pour le moment, oui. Nous travaillons, bien sûr, à élargir notre portefeuille de produits mais nous sommes conscients de l'importance de notre indépendance et ne ferons rien qui pourrait la menacer. Nos widgets rendent notre outil disponible pour un large éventail de patients et donne à nos clients la possibilité d'améliorer leurs services aux patients (par exemple les pharmaciens et les compaghies d'assurances santé).
Silber 8. Vous devez être contente de tout l'intérêt que vous avez attiré. Oui, non ? Des projets pour 2011 ?
Wessels. Bien sûr que je suis contente si Meamedica est utilisé par les patients et et s'ils apprécient ce que nous faisons. Pour la France, nous avons conscience de la situation délicate résultant de Mediator.
II est très important pour nous de communiquer notre vision combinée à notre indépendance. Nous voulons aider toutes les parties à améliorer le service pharmaceutique. Je serai vraiment heureuse si nous pouvons y arriver.
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