Denise Silber : Monsieur Ortolan, Merci d'avoir accepté de répondre à nos questions concernant l'évolution de la FMC et du DPC, alors que la date anniversaire de la fermeture du CNFMC, conseil national de FMC, que vous présidiez approche ce 10 Septembre. Pouvez- vous, en premier lieu, nous rappeler le contexte qui a conduit les présidents des trois CNFMC à arrêter leurs travaux ?
Bernard Ortolan : Merci de vous être souvenue de cette date anniversaire. Pour répondre à votre question, le cabinet du Ministre de l'époque, Roselyne Bachelot, considérant que les décrets d'application pour la mise en œuvre du DPC étaient quasiment prêts, et que les dispositifs devaient s'articuler autour de la Fédération des spécialités médicales qui devaient prendre le relais, le cabinet nous a indiqué que notre travail était terminé. Notre budget pouvait donc être re-dispatché ailleurs.
DS: Mais vous aviez par exemple pris soin de garder en ligne votre site web à l'attention des organismes agréés.
BO : Tout à fait, par souci professionnel et pour garder un lien avec les organismes et les médecins, nous avons conservé notre site pour ce qui devait être une période transitoire courte, car la publication des décrets, je le rappelle, était imminente au 10 septembre 2010. Tout semblait ficelé. Les projets de décrets circulaient pour les dernières relectures....
DS : Il y a des raisons bien précises qui expliquent pourquoi nous sommes toujours sans décrets.
BO: Tout à fait, au moins deux bonnes raisons : le remaniement ministériel et les événements de 2011 ont inévitablement retardé la mise en œuvre du DPC. Le dossier Médiator a occupé la scène pendant le premier semestre 2011. Xavier Bertrand étant revenu comme Ministre a préférer geler les décrets en attendant les conclusions des Assises du médicament qu’il venait d’installer, augurant probablement de l'impact des discussions sur, entre autres, le financement du futur DPC. De fait, en juin, le Rapport Couty a préconisé une nouvelle contribution de l'industrie pharmaceutique dont une partie irait au DPC, géré par l'OGDPC. Nous attendons donc deux choses : la publication de la Loi du médicament et/ou des dispositions de la prochaine loi de finance qui devrait permettre d'augmenter les fonds dédiés au DPC et , dans la foulée, les décrets d'applications de la loi HPST concernant le DPC.
DS Et la deuxième actualité, c'est bien entendu la signature de la nouvelle convention. Pouvez-vous nous en parler ?
BO La nouvelle convention introduit une nouveauté importante, les nouvelles modalités de rémunération des médecins en rapport avec la performance, établie selon des critères et indicateurs de qualité et d'efficience, ce qui modifiera substantiellement les orientations et les méthodes de la FMC. En proposant une incitation aux efforts d'efficience, on encourage les médecins à davantage s'investir notamment en santé publique. Jusqu'à présent les médecins continuaient à réaliser de la formation classique, c'est à dire, dédiée à l'acquisition des connaissances. L'EPP a tenté d'introduire l'évaluation mais de façon trop abstraite. Cette fois, le médecin est intéressé à vérifier l’adéquation de ses pratiques aux recommandations de pratiques quotidiennes.
DS Ce qui n'est pas possible sans une véritable informatisation efficace du cabinet, non ? Et cela n'est pas simple pour un praticien déjà très occupé, de s'enquérir de son outil informatique, et de le mettre à jour pour cette tâche ....
BO Effectivement, si les informations portant sur les consultations des patients porteurs de pathologies lourdes et chroniques ne sont pas structurées et exploitables, ce sera difficile parce que si le travail manuel peut le remplacer, il y a des limites au temps que le médecin pourra y consacrer. C’est pourquoi l’amélioration de l’outil informatique est bonifiée par la nouvelle convention.
DS Cette volonté de s'engager davantage dans l'évaluation est peut-être plus présente chez les médecins plus jeunes ?
BO Tout à fait. Les jeunes médecins participent à cette véritable mutation de la médecine. Leurs décisions sont davantage protocolisées et l'évaluation des pratiques leur est quasiment naturelle...En revanche, ils veulent un mode de vie très différent de ce que nous avons pu connaître. Moins corvéables, ils veulent réduire leur temps de travail et ils ont surement raison, mais cela modifiera l’organisation et les conditions d’accès à l’offre de soins.
DS Vous restez fidèle à votre optimisme de base, je crois ?
BO Tout à fait. Le cabinet de Mme Berra est en train de finaliser les décrets en y intégrant les éléments nouveaux dont nous venons de parler, provenant des Assises et de la Convention
DS Mais sans pouvoir faire référence à la Loi du médicament tant qu'elle n'est pas publiée, non ?
BO Effectivement, mais nous attendons avec espoir que tout cela soit finalisé avant la fin de l'année car sinon, cela nous reconduit dans le désert de la période pré-électorale, puis la nomination d'un nouveau ministre, et la reprise des travaux...ce qui pourrait vouloir dire encore deux ans de vide réglementaire sur la FMC.
DS En attendant, je pense que vous avez fort à faire avec l'ACFM et l'URPS ?
BO Tout à fait. En plus de mon activité de consultation, je suis directeur de l'ACFM qui est un des opérateurs du Top 10 ! Je suis élu depuis octobre 2010 à l'URPS Ile de France et membre de son bureau. L'Ile de France est une région colossale. Nous avons des interlocuteurs de poids et travaillons sur des dossiers importants concernant l'offre de soins et son aménagement sur ce territoire. Les évolutions qui se dessinent auront un impact sur les pratiques et devront être soutenus par de solides programmes de formation.
En réalité c’est bien cela le Développement Professionnel Continu…
En vous remerciant, Bernard !
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