Le "e-patient", c'est à dire le patient qui tient son blog, voire qui est membre d'une communauté de patients en ligne, essaie-t-il de rivaliser de connaissances avec son médecin ? Vous savez que ma réponse est "non", et que je pense que le fait d'être "e-patient" est plutôt salutaire pour le patient, premier membre de l'équipe médicale, etc, etc.
Mais beaucoup de personnes sont encore mal à l'aise par rapport au fait que les patients deviennent simples internautes, et encore plus mal à l'aise lorsque les patients se mettent à produire de l'information en ligne, (comme si, avant Internet, le patient était un grand muet. Passons). C'est pourquoi je me suis précipitée sur un nouvel article bien précis, dès sa parution le 16 août 2011 pour vous le commenter
Le Journal of Medical Internet Research de Gunther Eysenbach, vient en effet de publier un article scientifique fort intéressant. Le titre est "Managing the Personal side of health: How patient expertise differs from the expertise of clinicians"...qui se traduit en gros comme, "en quoi l'expertise du patient est différente de celle du médecin". Les auteurs Hartzler et Pratt collaborent à l'Université de l'état de Washington aux Etats-Unis.
La méthodologie de l'étude en bref
Les auteurs ont identifié, décrit, et évalué les différences significatives entre l'expertise médecin et l'expertise patient dans la relation au patient en ligne (et aussi dans des publications papier) grâce à l'examen de 735 sources de contenu. 360 sources étaient désignées comme des contributions de la part d'un patient et 375 sources avaient été produites par des médecins. Ces sources contenaient des recommandations, définies comme étant soit "des choses à faire", "des choses à savoir", ou encore "une façon d'aborder une situation." Il était possible en étudiant ces 735 sources, d'identifier plus de 7 000 recommandations au total.
Les observations
Selon Hartzler et Pratt, les recommandations des médecins et des patients sont significativement différentes, mais pas forcément comme vous l'avez imaginé. Il ne s'agit pas de bonnes recommandations des médecins et de moins bonnes recommandations des patients, ni l'inverse ;-) Il s'agit de deux modes d'expression.
Les cliniciens présent tout sous l'angle d'une "prescription" -- c'est à dire des choses à faire par le patient. Les patients, de leur côté, expriment leur expérience par l'intermédiaire de leur récit, grâce auquel l'autre comprend tout seul, ce qu'il y a à faire ou à penser. Les auteurs notent que ces récits sont complémentaires à ce qui est dit par le médecin et même indispensable, puisqu'ils apportent des informations que n'ont pas les médecins et qui sont pourtant nécessaires pour le patient par rapport à leur adaptation à la vie réelle au quotidien. Ce mode purement prescriptif, on le sait déjà, n'aboutit pas à un résultat satisfaisant en matière d'adhésion au traitement, par exemple.
Hartzler et Pratt terminent leur papier en faisant état de leurs propres recommandations concernant la nature des outils "sociaux" (ou 2.0) qu'il convient de mettre à la disposition des patients. La bonne nouvelle est qu'il s'agit d'outils que nous connaissons déjà :
--les systèmes d'évaluation collaboratifs, où l'intérêt d'une ressource est évalué par tous pour tous. Divers exemples en langue française existent (Le Guide Santé, Meamédica),
--les outils qui permettent aux patients d'entrer en collaboration avec d'autres patients qui les ressemblent, ce qui est le cas de PatientsLikeMe.com en langue anglaise, et plus récemment de Carenity en France.
Quant à la nécessité de protéger le patient des sources de mauvaise qualité, les auteurs notent que des études ont déjà démontré que ce n'est pas utile, car les patients savent s'en sortir seuls. (Les références des auteurs à cet effet remontent à plusieurs années, car ce n'est pas un sujet qui continue d'être exploré aux Etats-Unis.) Je crains que le concept du patient indépendant en quelque sorte, ne soit pas encore totalement admis en France, malgré l'absence de preuve de la réalité du problème...mais, cela viendra !
Certes, on peut toujours dire que rien de tout le ci-dessus n'est valable en France, où les patients seraient moins doués qu'ailleurs. Mais c'est difficilement crédible. En tous cas, je vous invite à consulter l'article original. Il est libre d'accès.
Merci pour cette synthèse très intéressante. Nous n'en sommes qu'au début de la prise en main des réseaux sociaux par les patients et par les médecins, pour l'instant chacun de leur côté hélas.
Espérons que les générations qui arrivent, pour lesquelles l'usage des réseaux sociaux est quotidien, intégreront ces outils et que la communication via le web deviendra plus fluide entre professionels de santé et patients.
Rédigé par : Zanskar | 24/08/2011 à 01:05
Bonjour
Le jour où les professionnels de santé échangeront de façon intelligente avec leurs patients à savoir, prendre le temps d'écouter et accepter que le patient puisse lui parler en tant qu'acteur de sa maladie alors la medecine 2.0 aura toute son ampleur.
Rédigé par : Françoise Soros | 17/08/2011 à 10:47
Bonjour Denise, merci pour cette synthèse des travaux d'Eysenbach. J'y retrouve avec plaisir des théories que je défends (avec toi) depuis quelques temps et qui ont en effet du mal à être entendues en France.
Oui, il y deux bases de connaissance qui coexistent et qui ne sont pas en rivalité, voir la fin de cet article http://www.atoute.org/n/forum/showthread.php?t=129758 Pour l'instant, elles coexistent. La santé grandira le jour où elles fusionneront.
Oui le patient est assez grand, aidé par des outils 2.0 comme Google ou les espaces communautaires, pour trouver la bonne information. Celle vers laquelle les professionnels tentent de le diriger est trop souvent frelatée, qu'elle soit ou non certifiée par une "haute" autorité.
Rédigé par : Web_Neuronal | 17/08/2011 à 09:11