En matière de start-ups, qui ne connaît pas la Silicon Valley en Californie, LA référence du secteur du capital risque (Venture Capital) et encore plus lorsqu'il s'agit d'entreprises Internet ? En 2011, 17 ans après le début du Web, quelles leçons peut on tirer des Etats-Unis concernant l'approche des Ventures Capitalistes envers les start-ups e-Santé ?
Une statistique de l'étude Rock Health ne peut que vous marquer : la Santé ne bénéficie en 2011 que de 3% du venture capital aux Etats-Unis. Pourquoi ? Serait-ce parce que tout le monde cherche l'application qui sera transformatrice du système, et que ce système est formidablement difficile à transformer, notamment par une entreprise. Serait-ce parce que les modèles économiques ne sont pas évidents ? Est-ce contextuel ou un problème de fond ?
Nous voyons à gauche les investissements de Venture Capital les plus importants en 2011 dans l'e-santé aux Etats-Unis. EGHC, Ability, Practice Fusion sont dans l'informatique médicale gérée par les établissements, les médecins, les payeurs...Même s'ils offrent des services aux patients, c'est essentiellement du B2B. Lumosity vise l'abonnement par le consommateur, en l'occurrence, celui (notamment les 50 ans et plus) qui veut faire des exercices de mémoire, un créneau important mais qui n'est pas en soi transformateur du système de santé. Essayons de comprendre...
Qui se souvient de Healtheon? Healtheon avait été l'idée de Jim Clark, entrepreneur et fondateur de Netscape, Silicon Graphics. Clark a financé la création de Healtheon en 1996, entreprise qui devait se servir de l'Internet pour éliminer le papier et connecter directement, virtuellement hôpitaux, médecins, patients, payeurs. C'était visionnaire à l'époque et j'ai eu la chance de voir Clark s'exprimer en personne à ce sujet aux Etats-Unis. Le terme e-santé émergeait à peine. Mais quelques années plus tard, Clark réalisait que son idée n'allait pas préndre et a lui-même vendu Healtheon à WebMd, qui, financé par Microsoft, semblait mieux placé que Healtheon.
Aujourd'hui WebMd est le portail santé américain le plus important, mais le rêve de Jim Clark a été abandonné depuis 10 ans. WebMD est un portail d'informations santé pour professionnels et patients et n'intervient pas pour remplacer le papier. Ce fut trop ambitieux. Et pourtant, tout le monde serait maintenant d'accord avec l'idée de relier tous les Acteurs de Santé par le digital, sauf que les Etats-Unis n'y sont pas encore arrivés. Les exemples qui marchent n'atteignent pas les 10 millions de participants. (Il y a Kaiser un HMO à but non lucratif puis les Vétérans, une administration publique. A l'international, l'initiative danoise touche la population du Danemark et est étatique. En Israel, les HMO à but non lucratif ont réussi leur implantation de l'e-santé, mais aucun ne dépasse les 2-3 millions d'assurés. Donc aucun exemple ne fonctionne à l'échelle d'un grand pays).
Un deuxième opérateur qui n'a pas réussi son dossier e-santé, malgré des forces notables de départ est Google Health, lancé en 2008. C'était toute la puissance technique et financière de Google au service d'un dossier santé qui devait être rempli et géré par le patient....sauf que 3 ans plus tard, il y a eu trop peu de comptes de créés par les internautes, pour que Google puisse dominer le marché. Soit le consommateur isolé n'est pas assez motivé pour collecter ses données, soit il ne veut le faire chez Google. En tous cas, le 24 juin 2011, Google annonce que début 2012, Google Health fermera.
En revanche, d'autres dossiers santé en ligne se portent mieux. Les deux leaders sont Dossia et Microsoft Health Vault, tous deux des opérateurs privés qui semblent avoir développé un nombre de participants satisfaisants (nous ignorons combien) grâce à des partenariats avec de nombreuses grandes entreprises qui peuvent obliger leurs employés à participer, puisqu'ils les assurent. Dossia et Health Vault ne sont donc pas tout à fait du royaume des start-ups.
Quant aux start-ups américaines, une étude a été réalisée par la société Rock Health. Nous y apprenons que 35 entreprises e-santé ont reçu chacune plus de US$2 million en 2011...ce qui dans l'absolu paraît important, mais ne correspond qu'à 3% des transactions américaines.
80% de ces entreprises visent le B2B, c'est à dire la vente de services aux industries de santé et non pas au consommateur. En revanche, aux Etats-Unis, 60% des start-up e-santé ciblent le paiement par le consommateur ce qui selon les auteurs de l'étude, est une erreur. Au total, si les initiatives e-santé peuvent démontrer des résultats significatifs en termes de bénéfice médical pour les professionnels et patients, les modèles économiques restent problématiques. Les Start-ups ne visent pas les grands payeurs, car ce n'est pas une relation évidente à établir pour de jeunes pousses. De leur côté, les Etats ne viennent pas non plus vers les jeunes pousses, car leurs programmes sont trop grands pour être confiés à des structures de petite échelle.
Le chiffre du 3%, c'est le marché qui parle et qui nous dit qu'il ne faut pas beaucoup en attendre.
Commentaires