Promis lors de la conférence Doctors 2.0 et Vous 2011 à laquelle le Dr Jacques Lucas a participé, et qui se renouvellera les 23 et 24 mai prochains à Paris !
le Livre Blanc est paru. Ecouter les propos du Docteur Lucas à la conférence ( à partir de 11 minutes 39 secondes) .Cliquer ici .
Le nouveau Livre blanc présente le web santé, les bonnes pratiques, le téléconseil, et la place du courrier électronique (et le téléphone) avant de conclure par ses préconisations, qui sont également disponibles sous forme d'une affiche, dans la version papier.
Les préconisations auprès des médecins français sont : 1) d'embrasser le web santé 2) de contribuer à la production de l'information santé 3) de faire un usage responsable des médias sociaux numériques* 4) de définir le cadre du téléconseil 5) de reconnaître l'acte de conseil téléphonique ou par courriel.
Ce document traduit une vraie volonté de la part du Cnom de faire progresser l'Internet santé en France. On ne peut qu'encourager cette volonté.
Il faut aussi féliciter le Cnom sur sa communication. En tirant partie de la complémentarité entre les moyens traditionnels de diffusion du document et les médias sociaux, le Cnom a bénéficie de plus de 18 000 occurrences sur Google en quelques jours.
Mais, on doit aussi se poser la question suivante : qu'est-ce qui s'oppose à l'intégration pleine et à part entière, de l'Internet Santé par les médecins, 18 ans après l'introduction du Web ?
Dans l'éditorial du Livre blanc, deux risques sont mentionnés : "le respect des personnes et de la confidentialité des données personnelles" et puis "la rapidité des échanges...les rumeurs qui "enflamment la toile."
Ces risques existent, mais ce ne sont probablement pas les principaux freins pour les médecins. Et ces freins ne sont pas spécifiques à la France. L'Internet génère des conflits car il révèle le retard dans l'évolution de l'organisation de l'exercice médical aussi bien en France qu'ailleurs.
Il manque la généralisation de nouveaux métiers d'accompagnement des patients atteints de maladies chroniques pour que tout ne repose pas uniquement sur le rendez-vous médecin.
Il manque de nouveaux modèles économiques basés sur les profils des patients et leurs besoins et pas sur des séries standardisés.
Prenons deux exemples : l'émergence des pathologies chroniques, l'émergence de la prévention. Ces évolutions doivent changer la relation entre d'une part le médecin et le patient et d'autre part entre les professions médicales. La personne atteinte d'une pathologie chronique doit suivre un traitement à longueur d'année. Le suivi médical est complexe, avec des examens à faire et divers spécialistes à contacter. La prévention nécessite de consulter lorsqu'on va bien...
Or, sur le plan organisationnel et philosophique, nous sommes restés sur le schéma du face-face épisodique entre le médecin et le patient qui a un problème ponctuel, et puis l'envoi d'un courrier postal entre médecin traitant et correspondants.
Nous sommes également restés sur la notion de la responsabilité individuelle du professionnel par rapport à l'informatisation de son cabinet, alors que l'informatique marche le moins bien et coûte le plus cher, lorsqu'il y a un seul poste de travail à gérer.
D'autre part, qu'il s'agisse d'une consultation en ville ou à l'hôpital, alors que le prolongement de la communication avec le professionnel peut être très bénéfique pour le patient, le système économique s'y oppose-- d'où la nécessité des professionnels de savoir écourter l'entretien.
Si le médecin traitant peut craindre être remplacé par Internet, c'est parce que c'est une tâche impossible de devoir tout savoir sur tout, face au patient. Mais, avons-nous appris au médecin à dire "je ne sais pas" ?
Si le médecin est stressé par le temps qu'il doit prendre pour expliquer certaines choses au patient, c'est parce qu'il n'a effectivement pas souvent le temps dont il a besoin.
Si le médecin n'a jamais été responsabilisé par rapport aux résultats du traitement, comment l'impliquer dans l'observance du patient...?
Comment, au vu de tout ceci, ne pas comprendre que l'arrivée d'Internet dans la consultation telle qu'elle est restée pose problème ?
--sans oublier que le burnout, et notamment du médecin généraliste, mais pas seulement, est un phénomène de plus en plus répandu.
Posons-nous la question de la bonne organisation de la relation médecin-patient et adaptons nos ressources humaines et technologies à cela...Vaste mission, je sais, mais autant s'y intéresser dès à présent. Les médias sociaux, le téléconseil, le courrier électronique, le téléphone y trouveront tout naturellement leur place. (Il existe des études internationales démontrant l'intérêt du courriel électronique et de la prise de rendez-vous en ligne pour la meilleure gestion du système).
En revanche, si l'on cherche un levier à court terme pour motiver le médecin à utiliser Internet davantage, pensons inclure dans la prochaine mise à jour du Livre blanc référence aux dispositifs de type iPad et Smartphone qui sont non seulement utiles pour le médecin directement mais qui lui permettent en plus de jouer pleinement son rôle de facilitateur de l'information vis à vis du patient.
Et enfin, si des établissements français désirent intégrer le réseau social de la Mayo Clinique, c'est tout à fait possible. Mais il faut faire la demande. ;-)
L'Hôpital San Juan de Dios et Clalit, qui étaient présents à Doctors 2.0 & Vous 1ère édition y sont.
Le Livre Blanc est téléchargeable ici : Livre blancdeontoweb2012.
(*le terme "numériques" a dû être ajouté à "médias sociaux" pour éviter la confusion avec "social" au sens français du terme, mais "médias sociaux numériques" est justement peu utilisé dans les médias ...)
Pour répondre à Hervé Maisonneuve :
- ne pensez-vous pas que ce Livre Blanc a le mérite d'exister grâce à l'expérience et à la volonté justement des ces seniors pour faire avancer la E-santé entre autre ? Cependant, ce n'est pas forcément une histoire d'âge mais tout simplement la preuve d'un engagement à tout épreuve qui n'est pas à la portée de tous.
Les jeunes médecins ont-ils cette motivation ? Et puis, je ne sais pas, mais pour participer au Conseil de l'Ordre, ce n'est pas une mince affaire.
Donc, appel aux bonnes volontés de médecins quadragénaires ;-)
Bonne journée
Rédigé par : Françoise Soros | 06/02/2012 à 13:03
Je félicite Denise pour cette analyse et je suis d'accord avec ses propos. Par contre, ne nous étonnons pas de certaines positions quand la moyenne d'âge des conseillers de l'ordre des médecins est de 59 ans (extrêmes 34 à 91 ans), et que la moyenne d'âge des médecins est de 55 ans. En général, les décisions et orientations dans les professions sont tenues par les membres dits 'séniors'. Si la moyenne d'âge des conseillers ordinaux étaient de 40 ans... que serait ce livre blanc ?
Rédigé par : Herve Maisonneuve | 04/02/2012 à 15:21
Dans mon engagement j'ai oublié un élément essentiel: le post de Denise Silber est excellent, merci de cette analyse perspicace et intelligente des enjeux des Doctors 2.0
Rédigé par : A Facebook User | 31/01/2012 à 17:04
La réflexion portée par le CNOM sur l'utilisation du web par les professionnels est une démarche remarquable, à saluer avec conviction.
Le Livre Blanc et ses préconisations représentent un point de départ qui permet de saisir certains des enjeux liés à l'évolution de la pratique médicale. Et il est sans doute digne d'éloge que le CNOM se positionne comme initiateur et garant de la pertinence de cette démarche.
Néanmoins, les impacts que le Web porte sur l'organisation du système de santé sont loin d'avoir été intégrés in extenso.
L’importance du Web comme source d'information me semble incontestable: internet est une fenêtre sur le monde, un accès libre aux connaissances. Il reste néanmoins un outil dont chaque utilisateur se sert selon ses exigences.
D'autre part, la question qui me semble être encore immature est celle de l'interaction professionnels/patients, de la nouvelle organisation de la relation via les ressources technologiques.
Conférer au médecin une fonction pédagogique dans la découverte de la E-santé, se préoccuper des dérives dans la communication via mail, craindre la diffusion des rumeurs, se méfier de la capacité de compréhension des patients...toutes ces attitudes cachent une vision verticale de l'interaction professionnels/patients. Une interaction dans la quelle le professionnel croit connaître les attentes et les besoins du patient et met en place une démarche pour les réaliser. Or, en général, les représentations de l'un et de l'autre sont très différentes: le langage utilisé n'est pas le même, les images évoquées, les points de vue divergent de façon important. Et cette interaction génère souvent de la frustration.
Les expériences étrangères, déjà bien avancées, montrent l'utilité de la Toile et de ses espaces communautaires comme des lieux dans les quels l'expertise sur la pathologie et sur son vécu se crée à travers le point de vue d'une communauté. Le point de vue personnel prend de la hauteur et devient utile au groupe.
Non seulement, donc, la communication entre patient et professionnel résulte facilitée, le patient est mis dans la possibilité de participer activement à la gestion de sa maladie, mais, à une échelle macroscopique, le Web permet aux citoyens d’être impliqués de façon éclairée sur des sujets de santé publique et d’éviter les crises de confiance qui ont marqué dans les dernières années la relation entre société et système de santé.
Ces questions, j'en suis persuadée, feront l'objet des prochaines étapes de travail du CNOM.
Giovanna Marsico
Rédigé par : A Facebook User | 31/01/2012 à 16:13