Dès l'arrivée du Web, il y a bientôt 20 ans, des questions ont émergé concernant la qualité des sites santé. Je m'y suis tout naturellement intéressée et ai participé à de nombreux groupes de réflexion et de concertation en Europe et aux Etats-Unis. En France, il y a eu l'époque du groupe co-géré par le Ministère de la Santé et le Cnom qui espérait aboutir dans une approche de type Afaq, puis quelques années plus tard, un groupe de travail à la HAS qui a choisi HON. Tout en voyant que tout ce monde cherchait essentiellement la quadrature du cercle, j'ai toujours pensé mon devoir d'apporter ce que je pouvais au débat. Aux Etats-Unis, la nécessité de certifier de façon centrale a cessé de se faire sentir depuis longtemps, mais il fallait que la France fasse son expérience.
La clôture de la coopération entre la HAS et HON, pour des raisons que l'on retrouvera dans des notes que j'avais publiées, est l'occasion de les rappeler.
Voici un premier de 2002.
Sites Santé : Label de Qualité, Qualité des Labels - Réflexions d’une activiste (en 2002)
Qui doit aider le patient à sélectionner les sites web qu’il consulte ? Le médecin de famille ? Le spécialiste ? Le Ministère de Santé ? Le CFES (devenu l'INPES ;-) ? Une Association de Patients ? Une Société savante ? L’OMS (après tout, le Net est mondial) ? Lui-même ? ... cliquer pour en savoir plus
Les spécialistes de l’Internet Médical savent, grâce à la transparence du Net, que le nombre d’initiatives visant à contrôler ou favoriser la qualité du Net médical grandit chaque année, si ce n’est chaque trimestre.
Les approches proposées sont variées : simple publication d’une charte d’éthique, déclaration d’engagement envers cette charte, proposition de sites pré-évalués mise en oeuvre de contrôles légers, de contrôles stricts, ou bien l’idée qu’il faut se borner à éduquer les internautes - le caveat emptor du 21ème siècle.
Comment se déterminer ? Voici quelques éléments de réflexion.
1. Apprécier un site médical, c’est plus de travail que vous ne pensez
A quoi l’expression " Qualité du Net Médical " vous fait-elle penser ? Aux critères qui s’appliquent à la presse médicale ? Qui a écrit l’information ? Est-il qualifié ? Y a t-il un conflit d’intérêt ?
C’est vrai, mais limitatif. La Qualité doit comprendre la satisfaction des attentes des utilisateurs
Prenons le simple critère de design et navigation du site : plus de 50% des entreprises créent des sites en dessous du minimum requis, garantissant ainsi le non retour de l’Internaute.
Rajoutons le besoin de sécuriser l’information personnelle.
Rappelons la relativité de la vérité médicale et signalons au passage la redondance de l’information médicale. Quelle note pour un site qui propose la nième présentation d’une pathologie voire de toutes les pathologies et qui ne sera probablement jamais repéré ?
2. On ne fait pas le bonheur des autres
Quel journal santé grand public n’a pas déclaré que l’on peut mincir en se régalant, vivre jusqu à 120 ans, ... ? Un patient cardiaque, obèse trouvera un cardiologue qui le laisse ne suivre aucun régime. Un Internaute trouvera une page web qui soutient son point de vue. L’évolution de la médecine occidentale qui tend vers une acceptation plus importante des approches de la médecine alternative nous démontre la relativité des "faits scientifiques". Alors pourquoi pré-sélectionner la lecture des Internautes ?
2B Corollaire : Le patient sérieux devient expert de son sujet
Tous les grands instituts d’étude du comportement de l’internaute médical confirment le fait que l’internaute sérieux crée ses propres bancs d’essai, en comparant les données de différents sites spécialisés, avant de prendre une décision. Les sites portail ne sont que d’éventuels points de départ, comme leur nom l’indique d’ailleurs ; Et ce comportement virtuel n’est qu’un miroir de celui de la vie physique. Avant de décider de quelque chose d’important, le patient prendra plus d’un avis, soit d’un professionnel soit de son entourage. Nous savons que les internautes européens non-anglophones feront, ou feront faire, des recherches sur des sites en anglais, si le sujet le mérite à leurs yeux. Donc, il n’y a pas à craindre que l’internaute se précipite sur une chirurgie élective, pas plus qu’il ne l’aurait fait suite à une conversation avec son arrière grand’mère.
3. Nous ne savons pas encore fabriquer des logos efficaces
Une étude publiée au congrès de l’AMIA (American Medical Informatics Association) 2000 démontra que la présence d’un logo n’a pas suscité au sein d’un groupe randomisé un plus grand degré de rétention de l’information que dans le groupe ayant lu une page sans logo. A l’inverse, le Département de Commerce américain a rapporté que des logos frauduleux arrivent à créer un degré de confiance très important . Quelle est l’expérience du plus ancien des logos de qualité du Net Médical, le HonCode qui existe depuis 1996. Son équipe fait un travail remarquable, mais avec des moyens limités. Le trafic sur le site n’est pas proportionnel à la croissance de la population des Internautes médicaux. D’autre part, les sites adhérents n’ont pas mené d’études de l’impact du logo Hon sur leurs sites. Avant de se lancer dans la mise en place d’un label, nous devons en savoir plus concernant la perception des logos de qualité sur le Net, où foisonnent des symboles logotypiques. (illustration)
4. Les évaluations ne sont pas nécessairement reproductibles
La sélection des gagnants des Prix Nobel est effectuée parmi une collection de candidats remarquables. Mais, le processus de sélection finale n’est pas reproductible. Les "peer reviewers" de la presse médicale n’ont pas d’avis identiques. Les médecins ne procèdent pas de la même manière face à des cas complexes. Alors pourquoi penser que des évaluations subtiles de sites web médicaux produiront les mêmes résultats ? Comment donc démontrer leur validité ?
5. Donnons leur une canne à pêche
Faciliter l’existence d’un Internet vigoureux, innovant et auto-régulé ; favoriser l’existence de consommateurs, journalistes, professionnels bien formés. Sur le Net tous sont récepteurs et émetteurs. L'Internet Healthcare Coalition proposait des astuces pour l’Internaute médical et les communiquait aux journalistes qui les demandaient. L’Association organisait des Ateliers consacrés à la réflexion sur l’Ethique spécifique du Net médical. (Elle n'existe plus, mais ses trucs et astuces ont formé la base des recommandations de la HAS envers les médecins)
6. Les sites évalués représentent une part de plus en plus faible de l’offre sur le Net
Le nombre d’évaluateurs de site augmente, mais le nombre de pages évaluées est une fraction décroissante de l’ensemble. Discern et Omni (UK), HON (CH), URAC (US), NetScoring (F), évaluent la qualité de sites médicaux. D’autres organisations le font aussi : éditeurs de presse, bibliothèques médicales, facultés, sociétés savantes, établissements de soins, assureurs, associations, ministères et j’en oublie sûrement. Si tous les évaluateurs travaillaient ensemble, et se servaient d’un outil commun d’évaluation, ils seraient toujours trop peu nombreux pour faire face au nombre de pages et sites nouveaux. Paradoxalement, ils vont souvent ré-évaluer des sites de grande qualité, déjà examinés, afin de compléter leurs listes.
Un des objectifs de MedCertain (D) est de créér une base de données communes pour toutes ces évaluations. HON poursuit des travaux sur l’automatisation de la recherche de pages de qualité. L’OMS réfléchit à la mise en place d’un système d’adresse " dot-health ". La Communauté européenne dévéloppe son programme " e-health Europe 2002 " qui comprend non seulement la proposition de critères de qualité mais aussi la promulgation de bonnes pratiques de la e-sante. Ceci permettra d’inscrire les critères dans un ensemble de qualité.
7. S’intéresser au retour sur investissement ?
Si l’organisation qui produit le site n’en tire aucun bénéfice, il n’y a pas d’avenir pour cette offre -- d'où l'idée que quelque part le conflit d'intérêt est quasiment universel puisqu'éditeur et internaute ne sont pas identiques. Du bon sens, mais oublié notamment jusqu'à la montée de la bulle Internet.
Et pourtant, il y a d’énormes besoins inassouvis. L’amélioration potentielle, moyennant les Nouvelles Technologies, de la prévention, de la pratique, et de l’observance est bien plus importante que l’usage que nous faisons du Net à ce jour.
Donc, la Qualité doit comprendre la Stratégie du Producteur, les besoins de l’Utilisateur. Et pourtant, aucun code jusqu’ici ne se préoccupe du retour sur investissement du producteur....
8. Que penser de tout ceci ?
L’Internet déteste les hiérarchies. L’Internet favorise la diversité. Diversité et unicité sont le secret de notre ADN, pour paraphraser le Professeur Jacob. J’ai commencé ma carrière du Net comme supporter farouche de la voie de l’éducation de l’Internaute, à l’exclusion d’autres voies. Maintenant, j’ai bien intégré que sur le Net, comme sur la planète qui l’a conçu, toute idée doit pouvoir co-exister. Il y aura un jour sûrement un label de qualité mondial. Résoudra-t-il tous les problèmes ? Sera-t-il connu de tous les internautes ? Evitera-t-il les contrefaçons ? Les nations vont-elles subordonner leur réglementation à ce label ? On verra. Mais, entretemps, le Net aura été la technologie facilitatrice de progrès considérable en matière de prévention, d’observance, et de diminution de l’erreur de prescription... Vaste sujet pour les lecteurs.
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